Objet : Appel urgent à la suspension des opérations militaires contre les FDLR et à la protection des populations civiles
Excellence Monsieur le Président,
En ma qualité de co-coordinateur en charge des questions de droits de l’homme au sein du mouvement All For Rwanda, je me permets de vous écrire pour exprimer notre vive préoccupation concernant la situation humanitaire dramatique qui se déroule dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) à la suite du lancement dans la nuit du 23 au 24 septembre 2024 par les FARDC des opérations militaires contre les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR).
Les informations qui nous parviennent font état d’un grave manque de mesures de protection pour les civils, pris au piège des combats. Comme vous le savez, les FDLR vivent au sein des populations dont elles sont l’émanation et qu’elles protègent. Il s’agit principalement de communautés de réfugiés rwandais et de civils congolais, majoritairement d’ethnie Hutu, déjà extrêmement vulnérables. Ces populations, pour la plupart des civils innocents, continuent de subir les violences perpétrées par des forces extérieures, notamment les attaques répétées de l’armée rwandaise et de ses alliés, tels que le M23. Dès lors, l’utilisation de mortiers, de tirs indiscriminés, ainsi que d’aviation militaire, avec ou sans pilote, n’est absolument pas appropriée pour atteindre l’objectif déclaré de neutralisation des FDLR. Ces méthodes ne font qu’aggraver la situation des communautés, qui méritent une protection immédiate et un traitement humanitaire digne.
Les récentes opérations militaires des FARDC ont eu des conséquences particulièrement dévastatrices. Selon les informations rapportées par nos contacts au sein des sociétés civiles du Nord-Kivu, au moins vingt-et-un civils, dont huit femmes, ont tragiquement perdu la vie, et plusieurs dizaines d’autres ont été blessés parmi les populations locales. Plus alarmant encore, un grand nombre de civils congolais ont été contraints de fuir à nouveau le camp de Mugunga, provoquant une situation de confusion à Goma. Le bilan humain pourrait encore s’aggraver si des mesures correctives urgentes ne sont pas mises en place immédiatement.
Il est particulièrement préoccupant de constater que ces opérations militaires ne se limitent pas aux FDLR, mais visent également les Volontaires pour la défense de la patrie (Wazalendo), qui, jusqu’à présent, assumaient courageusement la mission de protéger les civils contre l’agression conjointe de l’armée rwandaise et du M23. L’élargissement de ces combats aux zones sous la protection des Wazalendo expose encore davantage la population civile à des dangers graves et imminents, mettant ainsi en péril leur sécurité déjà précaire.
Cela est d’autant plus consternant que, d’après certains médias et les sociétés civiles locales, ces opérations se déroulent avec le soutien en renseignement des Forces de défense rwandaises (RDF) et en logistique de la MONUSCO.
Monsieur le Président, nous en appelons à votre leadership et à votre sens de la responsabilité en ces temps critiques. Il est urgent de mettre fin à ces opérations militaires dans l’attente de l’établissement de mesures adéquates pour assurer la protection des civils. En conséquence, nous formulons les propositions suivantes :
- Suspendre immédiatement les opérations de neutralisation des FDLR tant que des garanties concrètes de protection des civils ne seront pas mises en place.
- Mettre en œuvre des mécanismes de protection solides pour les populations civiles, notamment la création de zones de sécurité sous la supervision d’observateurs internationaux. Il est essentiel de restaurer un climat de sécurité afin d’éviter de nouvelles pertes humaines.
- Établir une communication claire et transparente avec les populations locales afin qu’elles soient pleinement informées des mesures de sécurité et puissent prendre les dispositions nécessaires pour se protéger.
Il est essentiel que les réfugiés rwandais et les civils congolais ne soient pas pris en otage par l’escalade de la violence, ni par des pressions externes ou des accords qui ne favorisent pas une paix durable dans la région des Grands Lacs. Il est inadmissible que les populations civiles de l’est de la République Démocratique du Congo et les réfugiés rwandais soient sacrifiés au nom des intérêts du gouvernement rwandais, dont la responsabilité dans l’agression et la montée des tensions est avérée. L’objectif de toutes les parties prenantes doit être de réduire au maximum les conséquences de la guerre menée par le Rwanda et le M23 contre la RDC. Ces populations ne devraient donc pas être victimes de l’armée, dont la mission est de garantir leur protection. Ayant déjà traversé d’innombrables épreuves, ces populations ont un droit inaliénable à une protection efficace, à la sécurité et à une vie digne.
Nous espérons que vous mesurerez l’urgence de la situation et que des actions immédiates et concrètes seront prises pour éviter une catastrophe humanitaire plus grave. Soyez assuré de notre entière disposition à coopérer avec votre gouvernement et toutes les parties prenantes pour mettre en œuvre des solutions durables et humaines à cette crise.
Dans l’attente de votre réponse favorable et d’un engagement ferme en faveur des droits humains, je vous prie de recevoir, Excellence Monsieur le Président, l’expression de ma plus haute considération.
Norman Ishimwe Sinamenye
Co-Coordinateur du Mouvement All For Rwanda
Lettre datée du Jeudi 26 septembre 2024